SAMAYA x OLI FRANCE
DE LA VALLÉE DE LA MORT AU SOMMET DU DENALI
Animé par son projet « Ultimate 7 » qui a pour objectif de gravir le plus haut sommet de chaque continent en partant du point le plus bas et par la seule force humaine, le britannique Oli France, après une première édition en Afrique, a rejoint l’Amérique du Nord pour relier la Vallée de la Mort jusqu'au sommet du Denali en 64 jours et sur plus de 5 700 kilomètres. De retour chez lui, Oli nous raconte son périple.
« Je rêve de ce projet Ultimate 7 depuis plus de dix ans. Au fil des ans, je n'ai cessé de revenir à cette idée. En attendant le moment de me lancer, j’ai développé mes aptitudes physiques et mes compétences techniques, tout en enrichissant mes expériences. En septembre 2023, j’ai sauté le pas en partant du point le moins élevé d’Afrique pour atteindre le sommet du Kilimandjaro.
Pour cette deuxième phase du projet, je démarre de la Vallée de la Mort en Amérique du Nord, pour rejoindre le sommet du Denali, ce qui représente un périple de 5 600 kilomètres. Voyager par la seule force humaine a présenté des difficultés. La première section a duré 41 jours à vélo. J'ai pédalé à travers la Vallée de la Mort, le long de la côte ouest des États-Unis, au Canada et à travers l'Alaska. J'étais totalement autonome et je voulais le faire de manière pure, sans véhicules de soutien et en portant mon propre équipement. Mon vélo pesait environ 50 kilogrammes. Le dénivelé s’accumulait et je peinais à avancer efficacement avec le vent de face qui me lacérait.
Je me souviens que trois ou quatre jours après le début du voyage, mon corps était déjà brisé. Je pédalais face au vent, je prenais du retard et je remettais toute l’expédition en question, me demandant si c'était vraiment possible. Pendant les deux premières semaines, j’ai dû franchir une barrière de douleur et essayer de m'adapter aux difficultés du voyage.
Je devais garder une vision tunnel sur l'objectif. Je devais toujours voir la situation dans son ensemble. J'ai vécu de nombreuses expéditions difficiles au fil des ans et j'ai appris que les moments où le corps et le mental sont mis à rude épreuve ne sont que temporaires.
Oui, c'est dur.
Oui, cela signifie souffrir.
Malgré ce début de voyage avec mon corps vite abîmé et des tendons enflés, au bout de trois semaines à vélo, tous ces problèmes ont commencé à disparaître. Les trois dernières semaines à vélo, je me sentais vraiment fort, comme si mon corps s'était adapté. Cette section « longue durée » de l’expédition a permis à mon corps de s'adapter. Quand je suis arrivé au départ de la section à pied à Kroto Creek, je me sentais en pleine forme.
Pourtant, c’est la section que j’ai trouvée la plus difficile. Atteindre le camp de base à pied représentait une véritable épreuve, tant se frayer un chemin était difficile. 99 % des alpinistes volent directement au camp de base en petit avion. Pour moi, le faire par la seule force humaine impliquait de réaliser beaucoup de recherches en amont pour tenter de trouver un itinéraire à travers les collines, les buissons, les rivières et cet immense glacier.
Aaron Rolph, Mike Stevenson et Ryan Gorman m’ont rejoint à ce moment-là pour terminer l’expédition ensemble. Nous avons mis huit jours pour parcourir 122 kilomètres. Pendant ces huit jours, nous n'avons croisé personne. Nous étions complètement seuls dans cette région sauvage, peuplée de grizzlis dont nous avons trouvé des empreintes à seulement 20 mètres de notre tente.
Le parcours était très exigeant. Nous avons essuyé des tempêtes de neige, des températures glaciales et rencontré divers animaux sauvages comme des élans et des ours. La marche était rendue délicate car nous étions lourdement chargés de 60 kilogrammes répartis dans nos pulkas et sacs. Cela incluait les skis, la nourriture, nos tentes Samaya et nos sacs de couchage. Un jour, il nous a fallu neuf heures pour parcourir trois kilomètres à cause des arbres et des buissons auxquels notre équipement ne cessait de s’accrocher, à cause de l’enchaînement incessant de montées et descentes et en raison de la traversée de petites falaises jusqu'au glacier. C'était un processus très ardu.
Mais il y a toujours un moyen d'avancer. Même quand je trébuchais avec ma pulka et même en naviguant à travers des crevasses dangereuses, je gardais une concentration absolue. Avoir l'équipe avec moi a beaucoup aidé car on pouvait se soutenir. Si quelqu'un avait des doutes, nous nous encouragions mutuellement, ce qui aidait à maintenir le rythme. Je pense souvent au rythme du métronome, qui balance de gauche à droite mais qui est toujours constant. Cette métaphore m'aide à rester concentré sur le fait de progresser constamment, même si c'est lent, même si ce sont de petites avancées.
L'aspect mental de cette expédition repose sur mes expériences passées. Toutes mes précédentes expéditions m’y ont préparé. Je crois qu'il est facile de devenir trop à l'aise à la maison. Donc 99 % de mon entraînement se fait en extérieur, exposé aux éléments de l’hiver britannique, la pluie, la grêle, les vents forts. S'exposer à l'inconfort au quotidien aide à rester affûté et prêt.
Disposer du bon équipement est la deuxième condition essentielle pour assurer une grande expédition. Surtout en montagne : avoir une tente fiable est crucial. La Samaya BASECAMP était la tente idéale. Il y a eu des jours où nous avons dû nous abriter des tempêtes toute la journée. Nous nous sentions protégés et en sécurité malgré des vents extrêmement forts et des chutes de neige abondantes. Cette tente, qui pèse seulement quelques kilogrammes, offre un abri incroyable en montagne. Nous avons dû bivouaquer pendant 6 jours d’affilée à 4 500 mètres d'altitude à cause d’une tempête de neige. Passer autant de temps dans une tente peut se révéler être une situation délicate si celle-ci n’est pas fiable. Pour nous, ce ne fut pas un problème. Dès que le temps se calmait, nous sortions pour déblayer et construire des murs de neige pour nous protéger. Sinon, nous restions dans la tente à jouer aux cartes, cuisiner, manger, boire et nous préparer pour la suite du voyage. Je ne pouvais imaginer un meilleur abri pour nous quatre.
Une fois la tempête calmée, nous avons pu nous lancer pour le push final et atteindre le sommet du Denali, à 6 190 mètres d’altitude. Les sensations que nous avons ressenties là-haut étaient indescriptibles. Pourtant, ce ne sont pas celles qui m’ont le plus marqué.
Un jour particulier en approche du camp de base est resté gravé dans ma mémoire. Après avoir traversé les parties les plus difficiles, nous sommes arrivés sur le glacier avec le camp de base en vue. Le soleil brillait, nous étions en pleine nature sauvage en Alaska. Cela faisait des jours que nous n'avions vu personne. Nous avancions, bien en équipe, tout le monde se sentait bien, nous étions comme envahit d’une sensation d’euphorie qui n’arrive que rarement. C'était un sentiment incroyable. C’est pour ces moments de vie que nous partons en pleine nature sauvage. C’est pour ces moments imprimés dans le temps qui laissent une saveur particulière aux souvenirs. »
©Photographies réalisées par Aaron Rolph @aaronrolph