SAMAYA x MÉLISSA LE NEVÉ

GRANDES VOIES DIFFICILES ET PREMIERS SOMMETS EN PATAGONIE

 

 
Pendant 3 mois, Mélissa Le Nevé, grimpeuse professionnelle adepte des grandes voies difficiles, s’est rendue en Amérique du Sud avec pour objectif de grimper d’immenses parois de plusieurs centaines de mètres. Plongée au cœur des communautés locales, Mélissa donne un écho supplémentaire à son aventure, touchée par les enjeux du territoire.
 
« La première partie de ce voyage de trois mois s’est déroulée à Cochamó, en Patagonie chilienne, une région absolument paradisiaque à côté de Puerto Montt au Chili. La première fois que je suis allée au Chili, j'ai rencontré la communauté chilienne qui m'avait parlé de cet endroit. Des amis grimpeurs européens et nord-américains me l’avaient décrit comme étant le deuxième Yosemite. J’avais de plus en plus envie d’y aller, d’autant que je m’étais mise à la grimpe traditionnelle.
 
Je suis rapidement entrée en contact avec la communauté sur place et particulièrement avec Diego Diaz, un acteur local et personne référente à Cochamó, œuvrant pour la préservation de cet endroit en danger.

 

 
La Hacienda Puchegüín, « Yosemite d'Amérique du Sud », reconnue pour ses parois de granit et sa nature préservée, est une propriété privée de plus de 130 000 hectares et est actuellement en vente. Cette terre regorge de ressources et forme une réserve en eau exceptionnelle qui en fait le poumon du sud de l'Amérique du Sud. Contrairement aux vastes aires protégées qui l'entourent, Puchegüín manque de protection environnementale, exposant ses écosystèmes et ses communautés aux menaces de non-respect et non conservation de cet environnement. Pour lutter contre un achat de la zone qui mettrait en péril le sort des communautés y résidant, une alliance dirigée par l'ONG locale Puelo Patagonia s’est formée, en partenariat avec The Nature Conservancy, la Fondation Freyja et la Fondation Wyss. La fondation Patagonia, sponsor de Diego, est également de la partie pour donner une ampleur internationale.
 
Quand on s’est rencontrés avec Diego, on était très excités à l’idée de faire une grande voie difficile ensemble, cotée 8b et qui s’élève à 800 mètres de haut. Arrivés sur place, on s’est rendu compte que tous les pitons et les plaquettes étaient rouillés. Dans les années 2000, beaucoup d’alpinistes et de grimpeurs se rendant à El Chaltén ont découvert cet endroit et ont été subjugués par le nombre de faces de 900 mètres de haut. Ils se sont mis à équiper progressivement les voies, ce qui est très chouette et très honorable, mais le problème est qu’ils étaient sur place à la saison sèche et ne se sont pas rendu compte que dix mois sur douze, il pleut. Les parois se transforment en énormes cascades de 900 mètres et l’équipement fixé dessus rouille, laissant ces basuras, véritables déchets, en pleine voie sur les falaises.

 

 
À l’origine partie pour aller grimper de belles voies, je me suis finalement retrouvée à essayer de faire caisse de résonnance internationale pour ces enjeux locaux.
 
Après avoir quitté Cochamó, je me suis rendue à Bariloche en Argentine avec une amie locale que l’on surnomme la Hormiga, l’une des premières femmes à avoir poussé l'alpinisme en Argentine. C’est une toute petite personne incroyable et impressionnante, assez connue en Amérique du Sud pour avoir grimpé le Fitz Roy et d’autres superbes voies à El Chaltén il y a dix ans.
 
L'escalade était géniale là-bas, c'est un apéritif de ce qu'on peut trouver à El Chaltén. C’était vraiment chouette d’appréhender la montagne de cette façon, parce que je n’ai pas beaucoup d'expérience en alpinisme et ça m’a permis de me former petit à petit. J'ai fait mes premiers sommets à El Chaltén, même si la météo était un peu rude cette saison. Il n’y avait que très peu de bons créneaux et on est restés à peu près un mois et demi à attendre dans le village sans fenêtre favorable. Il y a finalement eu un créneau nous permettant de faire un petit sommet.

 

 
Ensuite, je suis allée voler avec mon parapente. Depuis les décollages mythiques des sommets, notamment celui de Fabian Buhl au Cerro Torre en 2020, la communauté argentine s’y est mise et on voit de plus en plus de parapentes décorer le ciel patagonien. J’ai marché pendant 3h30 pour atteindre mon point de décollage. Habituellement, pour faire la moindre activité en montagne en Patagonie, il faut marcher 6 heures. Pour mon vol en parapente, j’avais l’impression qu’à peine partie, j’étais arrivée ! J'ai décollé au pied de l’Aiguille Poincenot, survolant toute la chaîne du Fitz Roy, traversant le glacier dans les airs. J’ai passé deux heures incroyables à voler dans ce glacier immense et à jouer avec les condors. Ça doit être l’un des plus beaux vols de ma vie. »

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