SAMAYA x GIUSEPPE PAPA
EXPEDITION CYCLABLE EXTREME AU NEPAL
Giuseppe Papa, guide cycliste, Davide Ciarletta et Marco Ricci, vidéastes et photographes, se sont rendus au Népal pour réaliser la traversée de l’Himalaya, à vélo et en autonomie. Ces trois personnalités sont passées par de nombreuses phases : excitation, épuisement, éblouissement. Pour Samaya, ils retracent leur aventure, leur rencontre et leurs émotions.
« Avez-vous déjà été ému par la nature à la suite d’un immense effort ?
Notre expédition au Népal est teintée d’un mélange d'émotions profondes, de multiples sensations, de difficultés et d'efforts extrêmes.
Notre voyage a commencé le 24 octobre, après de nombreux mois de planification et de préparation de notre équipement. 1200 kilomètres et 25 000 mètres de dénivelé positif nous attendaient pour traverser le Népal d'ouest en est, de Mahendranagar à Katmandou.
Les deux premières semaines ont été remplies de journées longues et épuisantes à traverser les plaines et à gravir les premières collines. Sur notre chemin, nous avons eu la chance de rencontrer des habitants qui n'avaient jamais vu de touriste auparavant. Nous avons vécu des rencontres spéciales, faites de grande hospitalité, d'émerveillement et d'étonnement.
Nous avons pédalé en traversant des routes non goudronnées à travers la jungle, les parcs nationaux, des zones magiques et désolées. Nous avancions, bercés par le sentiment exaltant de savoir que ce n'était que le début.
Jour après jour, nous gagnions en altitude. Colline après colline, les grands sommets blancs se rapprochaient. Majestueuses, devant nous, les montagnes de l'Himalaya se dressaient.
Pédaler entre l'Annapurna, le Dhaulagiri et le Machhapuchare était excitant et époustouflant. Au 13 novembre, nous atteignons Pokhara, véritable point de départ de notre circuit de l’Annapurna. La température a progressivement baissé alors que nous traversions Besisahar, Jagat et Bagarchapp. Les balades à vélo sont devenues de plus en plus difficiles, tant les routes étaient rocailleuses.
A ce moment-là, nos vélos sont devenus nos compagnons du quotidien. Nous, les vélos, la région : nous ne faisions plus qu’un. Le mouvement des roues était comme un parallélisme de la nature cyclique et des traditions spirituelles de la région.
En approchant Manang à 3600 mètres d’altitude, un gigantesque chörten nous a accueillis. Passer au travers de ces temples religieux est une initiation et une bénédiction : nous ressentions la protection de ce monument accueillant, comme si nous passions à travers un portail vers une autre dimension.
Le paysage était agrémenté de Lung-ta, ces drapeaux de prière tibétains flottant entre les monastères perchés sur des crêtes escarpées et d'imposants sommets rocheux. Parmi le silence, des sons émergeaient, ceux des gongs et des tambours des moines tibétains.
En quittant Manang, le paysage s'amincit. En approchant du col de Thorong La, la difficulté de l’ascension s’est intensifiée, l'air était plus mince. Nos corps ont eu besoin de plus de temps pour s'acclimater ; chaque effort au-dessus de 4000 mètres semblait dix fois plus épuisant.
En atteignant Khangsar, nous avons décidé de laisser nos vélos pendant deux jours et de randonner jusqu'au lac Tilicho à 5040 mètres, pour poursuivre tranquillement notre acclimatation. Lorsque nous avons dépassé les 5000 mètres pour la première fois, nous avons ressenti une immense satisfaction, surtout après 20 jours de cyclisme intense.
Arrivés à Thorong Phedi, nous avons décidé de nous reposer, laissant l'ascension vers le camp d’altitude au lendemain. Nous avons passé la journée dans cette vallée magique en nous préparant pour les deux jours à venir.
Le lendemain matin, nous n’avons parcouru que 1,3 kilomètres, en poussant le vélo à la main, pour atteindre camp d’altitude de Thorong La à 4980 mètres. Pousser un vélo de 35 kilogrammes sur cette montée était épuisant, mais ce n’était qu'un avant-goût de ce qui nous attendait le lendemain matin.
Nous avons installé nos tentes Samaya ultra légères et nous étions prêts pour l’ascension du Muktinath. Nous avions prévu un départ à 3h30, au matin du 24 novembre.
Impatients, nous ne pouvions pas dormir. A -17° C, nos tentes et sacs de vélo étaient couverts de glace.
Un mode de survie s'est déclenché en nous, nous prodiguant une énergie immense et un bonheur profond pour tout ce que nous avions vécu jusqu'à présent.
Après des mois de préparation, le moment était enfin arrivé.
Nous avons pris un bref petit-déjeuner et avons démonté les tentes. Après avoir tout remballé, nous partions, seulement éclairés par nos phares de vélos. Nous progressions sous l’un des plus beaux ciels étoilés de notre vie. Le froid était tranchant, nous pouvions à peine sentir nos mains et nos pieds.
À mi-chemin de la montée, nous avons rencontré Aide, un sherpa gérant d’une maison de thé entre le camp d’altitude et le col, qui nous a offert le meilleur thé chaud du monde. Après cette courte pause, réchauffés par le sourire et la gentillesse d’Aide, nous avons poursuivi notre ascension.
Les premières lueurs du jour pointaient, illuminant les sommets de teintes orangées. Auréolés de cette lumière, nous avons atteint le sommet du col de Thorong La, le col de montagne le plus élevé du monde. Nous nous étreignions et remerciions nos vélos de nous avoir conduits au bout de ces 5416 mètres.
Nous n’avons pas tardé au sommet : après quelques larmes, célébrations et photographies, nous sommes repartis. Le vent se levait doucement et il fallait descendre pour nous réchauffer. Nous avons atteint Muktinath avant midi.
Notre parcours s’est transformé en un élan de vie et les difficultés et les problèmes en une aventure. La terre du Népal n'est pas seulement constituée de paysages immenses, de silences infinis, d'air cristallin, de montagnes uniques, mais elle offre quelque chose de plus. Vous respirez sa magie, son sens du sacré. Vous rencontrez des habitants authentiques, avec une immense humanité, que nous voyons rarement. Aller au Népal, c’est opérer un retour à la terre mère, c’est redécouvrir ses racines. Nous retournerons aux sommets de l'Himalaya, car nous projetons dans cette terre lointaine une façon d'être heureux, simplement et pleinement. »