SAMAYA x SÉBASTIEN OVERNEY
AN ARCTIC JOURNEY
La fine équipe d’Ubac Images composée de Sébastien Overney, skieur et responsable d’expédition, des skieurs Julien Colonge et Anthony Calvet, d’Antoine Bouvier en télémark, de Claude Vallier, skieur et conteur de blagues et de William Mermoud, cadreur et réalisateur, s’est rendue au Svalbard, dans la mer du Groenland par la mobilité douce pour y pratiquer l’itinérance à ski-pulka et descendre des pentes raides inhospitalières.
Cette expédition s’inscrit dans le projet SOFT SVALBARD qui s'articule en 3 phases. Une première phase représentée par le voyage à impact minime avec des moyens de transports alternatifs à l'aller comme au retour, permettant un bilan carbone divisé par 10. Le projet pédagogique avec les écoles de la région et un suivi radio pendant l’expédition fait état de la phase 2. Finalement, la production d'un film documentaire qui sortira cet automne dans les festivals, intitulé « An Arctic Journey », clôture le projet.
À leur retour en France, Sébastien Overney nous raconte cette singulière expédition.
« Nous nous sommes rendus sur l'archipel du Svalbard, précisément sur la terre Oscar Land II située sur l'île principale du Spitzberg, à seulement 900 kilomètres au sud du Pôle Nord, pour aller skier des sommets grandioses.
Nous nous y sommes rendus uniquement par le biais de moyens de transports alternatifs comme le train, le voilier et le ski, en totale autonomie. Nous voulions voir s'il était possible de voyager aussi loin de cette façon, pour continuer de rêver d'exploration Arctique tout en ayant un impact carbone le plus faible possible. C'était également l'occasion de faire un "état des lieux" sur ce genre de mobilité, en mettant en balance les points forts et les points faibles.
Nous souhaitions revivre le voyage "à l'ancienne" et surtout ralentir, prendre le temps d'apprécier pour redonner tout son sens au mot "voyage". Le ski était plutôt perçu comme la cerise sur le gâteau, sans être l’objectif unique à atteindre.
Globalement, le trajet s'est déroulé sans accro, si l’on met de côté les pannes de trains imprévues au cœur de la Laponie, les neuf changements, le fait que trois membres de l’équipe sur six se retrouvent malades sur le voilier au point de ne plus pouvoir se lever, une mer bien déchaînée pendant trois jours non-stop, l'Isfjord bloqué par les glaces et notre voilier de récupération qui n’était finalement plus à disposition quatre jours avant le départ. A part cela, tout a déroulé.
Nos journées sur place étaient rythmées par la fonte de neige pour faire de l'eau, les repas, les informations météos, le ski avec ou sans pulka, les tours de garde pour optimiser les créneaux météo ultras courts et la sécurité du camp face à la présence de l'ours polaire. L’itinérance est extrêmement énergivore. Faire et défaire sans cesse les tentes, les pulkas, les sacs, le matériel d’alpinisme et l’ensemble de nos affaires. Nous montions et démontions notre camp tous les deux jours en prenant soin de le faire lorsque la météo n’était pas assez favorable au ski de descente, mais suffisamment bonne pour que nous puissions évoluer en itinérance en ski-pulkas. Lorsque ce créneau se dégageait, il fallait que nous soyons suffisamment reposés et réactifs pour pouvoir en bénéficier. Cela nous a demandé presque trois jours d'adaptation pour véritablement comprendre comment fonctionner dans ce milieu, naviguant entre le jour permanent et la météo changeante.
Au bout de trois jours d’expédition, nous réalisons soudainement que nos réchauds à essence consommaient anormalement beaucoup d'essence et que nous n'en aurions pas assez pour dix jours de traversée. Nous n'avons pas trouvé d'essence de type E sur place, ce qui a engendré l’encrassage et la surconsommation de celle que nous utilisions. Dans ce milieu glacé, se retrouver sans rien pour faire fondre la neige afin de la transformer en eau signifie soit attendre de mourir de soif ou d'hypothermie, soit faire marche arrière et rentrer chez soi. Nous avons eu beaucoup de chance. Nous avons réussi à joindre par téléphone satellite le voilier « Life Song » au bord duquel se trouvait la skipper Cécile et le capitaine Christophe, deux personnes hors du commun et très inspirantes, qui sont restés coincées dans les glaces après notre dépose sur la côte, à Far Hamna situé à 25 kilomètres de notre camp sur le glacier Eidembreen. Ils ont accepté de mettre l'annexe à l'eau pour nous amener 7 litres d'essence le lendemain et ainsi sauver l’expédition.
Malgré un magnifique créneau météo annoncé, deux d’entre nous devaient faire l’aller-retour dans la journée pour aller chercher l’essence et offrir au reste de l’équipe la chance de poursuivre l’expédition. En tant que responsable d'expédition, ça m’a paru normal d’être du voyage. Antho s’est auto-désigné pour cette journée intense mais incroyable. Nous avons évolué pendant 7h30 sans s'arrêter au milieu de nulle part, entourés de glaciers immenses à n’en plus finir, seuls au cœur de cet espace gigantesque. Pour remercier Cécile et Christophe, toute l’équipe avait mis la main à la pâte pour leur préparer un gâteau. De retour au camp, c'est la fête. Nous avons de quoi faire de l'eau pour au moins dix jours et les copains restés sur le glacier ont enfin réussi à skier la première montagne de cette expédition, après de nombreux échecs imputés à la météo. Quelle journée !
Je pense que les moments de doute font partis de ce que l’on vient chercher dans ce genre d’expédition. Partir en train de Haute-Savoie pour traverser l'Europe, naviguer avec un voilier quasiment exclusivement à la voile en traversant la mer de Barents – aussi appelée « Mer du Diable » – sans avoir aucune expérience préalable de navigation au large, afin de rejoindre un archipel à 900 kilomètres au sud du Pôle Nord sans avoir aucune information quant aux conditions sur place ou sur les montagnes que nous croiserons, en totale autonomie à ski, n’est pas anodin. Nous avions mis toutes les chances de notre côté pour nous retrouver face à ces moments de doute.
En préparant cette expédition, nous savions que nous aurions beaucoup plus de chance d'échec que de réussite. Nous avons pris les jours les uns après les autres dans la bonne humeur et avec beaucoup de solidarité et tout s'est bien passé. Nous avons toujours trouvé des solutions. Les plus gros doutes se sont joués au niveau de la météo pour le ski et pour le tournage. William, notre cadreur et réalisateur, n'a pas été ménagé de ce côté-là. Nous l'avons soutenu tous ensemble et nous allons réussir à faire un très beau film d'aventure.
Quand nous nous retrouvons face à de tels aléas météorologiques, il est primordial de posséder un équipement solide, compact et léger, afin de pouvoir changer de façon de se mouvoir aisément et le plus rapidement possible et surtout d’optimiser le nombre de pulkas et leur poids. Nous avons préparé notre équipement en gardant en tête qu'il fallait toujours avoir quelque chose en double pour ne pas être dépouillé et vulnérable en cas de casse ou d'inattention. Nous sommes donc partis avec une Samaya BASECAMP que nous avons doublé d’un dernier prototype Samaya de quatre places. Cette configuration était absolument nécessaire en cas de vents catabatiques violents qui ne préviennent pas ou si nos tentes se retrouvaient inutilisables.
Le temps passé sous les tentes ne peut pas être comparé à des nuits sous tente, puisqu’à cette latitude le jour y était permanent. Nous avons passé beaucoup de temps au cœur de ces abris qui nous ont permis de nous reposer et de reprendre des forces. Nous n'avons subi aucune condensation ni givre à l'intérieur des tentes, ce qui était notre principale crainte au camp. Là-bas, la condensation était notre pire ennemi. Si nous nous retrouvions mouillés, nous ne pouvions plus sécher et nous gelions. Nous avons essuyé des vents quasi constants à 80 kilomètres par heure pendant deux jours et deux nuits avec les tentes uniquement brochées à la glace du glacier sans constater de casse matérielle.
Tous ces éléments mis bout à bout ont rendu possible un voyage d'exception, que ce soit en termes d'aventure, de paysage, d'exploration, d'isolement, de découverte ou encore d'humanité. Nous ne savons pas si à ce jour ce type de voyage a déjà été entrepris par d'autres sur l'île du Spitzberg. La plupart du temps, les gens pratiquent le cabotage pour aller skier et sont venus en avion. Il est très rare de pratiquer le ski de pente raide en itinérance de plusieurs jours et en complète autonomie pour rejoindre plusieurs sommets distants de plusieurs jours de ski dans ces latitudes. Pour l'ensemble de l'équipe, il y a un avant et un après qui signent un voyage unique, intense et exceptionnel. »
Au total, l’équipe UBAC IMAGES aura parcouru 3500 kilomètres en train de Saint-Gervais à Tromsø, 1200 kilomètres en voilier à bord du « Life Song » de Tromsø à Longyearbyen jusqu’à Oscar Land II, puis 110 kilomètres en ski-pulka en totale autonomie, de Eidembukta au St Jonsfjorden.
Ils auront skié quatre sommets, en raison d’une météo très instable et de créneaux extrêmement courts, sur la terre Oscar Land II sur l'île du Spitzberg au Svalbard : l’antécime Sparefjellet, deux sommets sans nom dans les Motalafjella et Løvliefjellet, le Trollslottet et le Storetrollet qui est probablement une première descente.
©Photographies réalisées par Julien Colonge @j.colonge